Tout va très bien, Madame la Marquise !
L’agence de l’eau des Bassins Rhône-Mediterranée et Corse vient de publier son rapport 2019 concernant la qualité des eaux de surface et souterraines de ce bassin et présente ses résultats comme globalement positifs et encourageants.
Comme pour prendre les devants envers tous les chipoteurs que sont les écolos et autres militants de la cause environnementale elle affiche dans son rapport d’entrée la devise suivante :
STOP AUX IDÉES FAUSSES !
« L’EAU N’EST PAS PLUS POLLUÉE QU’HIER,
ELLE EST SURTOUT BEAUCOUP MIEUX SURVEILLÉE. «
Lorsqu’on affirme que 50% des cours d’eau sont en bon état on pourrait aussi bien dire que 50% des cours d’eau sont pollués, question de point de vue.
Il ne s’agit pas pour nous de nier ici le travail colossal fait par l’agence et ses antennes, des millions d’analyses en une seule année, des centaines de stations de prélèvement, des techniques qui se perfectionnent sans cesse …. tout cela est bien expliqué dans ce rapport.
Il n’empêche que cette présentation des résultats visant à minimiser les mauvais points et de désamorcer toute polémique revient sans cesse dans l’étude, y compris dans la conclusion ci-dessous :
Autrement dit, c’est comme avec le COVID, plus et mieux on teste, plus on trouve…. Ce n’est pas parce qu’on trouve des résultats inquiétants grâce à de nouvelles technologies qu’il faut les minimiser.
Mais venons-en aux résultats que nous vous résumons ci-dessous :
(en fin d’article vous trouverez les liens vers l’étude et d’autres sources )
– La pollution organique est celle qui a le plus diminué et c’est tant mieux. Cette amélioration provient principalement des progrès réalisés en matière de traitement des eaux usées.
– La présence des nitrates et du phosphore à également diminué sur le long terme, mais reste stable depuis une dizaine d’années
– « Les substances les plus toxiques rencontrées dans les cours d’eau sont de loin les Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques (HAP) . Leurs concentrations dans le milieu ont été divisées par quatre au cours des dernières années, mais elle restent encore en moyenne 15 fois supérieures aux normes admises pour la protection de l’environnement »
– La présence de pesticides, quasi exclusivement dus aux activités agricoles est pour la première fois depuis des années de nouveau en hausse !
« Sur le bassin Rhône‐Méditerranée, sur les 36 masses d’eau en état médiocre, 30 le sont à cause de concentrations en pesticides supérieures aux normes requises pour l’alimentation en eau potable. Les pesticides en concentration excessive sont la première cause de dégradation des eaux souterraines. »
– Une autre pollution en hausse depuis deux ans provient des solvants chlorés, détergents …
Par contre, plusieurs facteurs sont en amélioration, on ne va pas le nier , mais s’en féliciter …
Il s’agit de la présence des métaux, en baisse, et de celle des petits invertébrés et diatomées, en hausse.
Un autre volet de l’étude concerne non pas les polluants, mais le régime hydraulique de nos cours d’eau. Il s’agit ici des aménagements, barrages, écluses, dérivations pour la production d’énergie, mais aussi des prélèvements d’eau pour l’agriculture qui nuisent au bon état des rivières : « peut mieux faire » :
– Les altérations de la morphologie des cours d’eau (endiguement, bétonnage, enrochement, déboisement des rives …) constituent une réelle menace pour la biodiversité : « plus de la moitié des rivières présente une morphologie abîmée ». Mais les Agences de l’Eau mènent un travail important de rénovation.
– 42 % des rivières sont cloisonnées par des seuils ou des barrages, ce qui nuit gravement à la biodiversité et à l’écoulement des limons/sédiments.
Venons en aux « micro-polluants » et autres matières nouvellement détectables grâce aux « progrès des techniques d’analyses ». Ce chapitre-là donne le tournis …..
Parmi les pesticides, le champion toute catégorie reste le glyphosate ….
Nos chers agriculteurs sont donc clairement les coupables pour cette pollution-là.
Ce qui n’est pas le cas pour les substances qui suivent, pour lesquelles nous avons tous notre responsabilité : hydrocarbures, médicaments, stéroïdes, hormones, cosmétiques, caféine, nicotine, une liste de 120 produits qui donne le tournis. Les médicaments dont on trouve des traces vont du paracétamol aux anti-épileptiques en passant par les bêtabloquants et autres anxiolytiques …. On peut y ajouter les perturbateurs endocriniens qui ont déjà des effets avérés sur les bactéries et poissons.
Arrêtons ici avec cette liste morbide, vous en trouverez encore bien davantage dans l’étude.
Il faut préciser un point : les concentration les plus élevées de ces produits sont – en toute logique – mesurés dans la station la plus en aval du réseau, c’est-à-dire au bord du Rhône, à la hauteur d’Arles.
L’étude de l’agence de l’eau Rhône-Méditerranée se poursuit encore avec un gros chapitre sur les eaux souterraines… qu’on vous épargne pour aujourd’hui. Disons que globalement elles ne vont pas si mal (mais on y retrouve aussi nos fameux médicaments, qu’on ingurgite donc souvent une seconde fois).
Comment conclure après un tel défilement de chiffres et d’horreurs ?
Que nous sommes tous responsables par nos actes et notre consommation ?
Que c’est la société qui veut ça ?
Qu’on doit tous, citoyens, élus, professionnels, faire des efforts pour faire des progrès ?
Que l’agriculture doit changer de modèle et de méthodes ?
Certainement un peu de tout cela…
Un post-scriptum toutefois pour ceux qui se diraient « bof, après tout je m’en fiche, ça coule et passe » : n’oublions pas que tout ce qu’on vient de citer se retrouve finalement aussi dans notre Méditerranée, sur nos plages , dans nos verres d’eau et dans nos assiettes.
Pour aller plus loin :
Le rapport sujet de l’article, téléchargeable ici : https://www.eaurmc.fr/jcms/pro_99334/fr/l-etat-des-eaux-des-bassins-rhone-mediterranee-et-de-corse-2020
https://www.lagazettedescommunes.com/631713/quest-ce-qui-pollue-les-cours-deau-francais/
https://www.fne.asso.fr/dossiers/eau
Un très bon dossier de la FNE, une vulgarisation de toute la thématique. https://www.fne.asso.fr/dossiers/definition-cours-d%E2%80%99eau-en-bon-%C3%A9tat-%C3%A9cologique-chimique
L’Europe un allié indispensable avec sa directive-cadre sur l’eau (DCE) https://www.ecologie.gouv.fr/gestion-leau-en-france
Les conséquences du déversement des pesticides en direction des lagunes méditerranéennes viennent d’être étudié et publiés, édifiant : https://wwz.ifremer.fr/Espace-Presse/Communiques-de-presse/Pesticides-dans-les-lagunes-de-Mediterranee-un-nouvel-indicateur-permet-de-mieux-evaluer-le-risque-ecologique