Privatisation d’ADP : Aéroports de Paris doit rester public
Annoncée depuis plusieurs mois, la privatisation du groupe Aéroports de Paris est en cours de discussion au Parlement. Alors qu’en première lecture les députés avaient validé cette privatisation et celle de la Française des Jeux, le Sénat a rejeté le projet de privatisation de la FDJ et le débat sur celle du groupe ADP s’annonce véhément.
La privatisation d’Aéroports de Paris revêt un triple enjeu : écologique, stratégique & éthique, et financier
Un enjeu écologique
Le transport aérien est un puissant émetteur de gaz à effet de serre (2,8% des émissions de CO2 mondiales). Le trafic aérien étant amené à croître encore dans les années à venir, les émissions du secteur vont continuer d’augmenter, même si des efforts sont réalisés pour diminuer les émissions unitaires de chaque trajet.
Si on souhaite préserver le climat, l’Etat va être amené à réglementer davantage le transport aérien. Pour ce faire, l’Etat a donc tout intérêt à conserver la main-mise sur ADP, sans avoir à céder de nouvelles contreparties à d’éventuelles pertes de recettes pour le gestionnaire.
Par exemple, les autorités publiques peuvent vouloir modifier les couloirs de circulation, ou bien les horaires, ou les normes sonores des appareils, de façon à limiter les nuisances sonores. Il peut également souhaiter instaurer une taxation du kérozène via une taxe carbone. Une telle mesure conduirait à un redimensionnement du trafic, et donc des recettes afférentes.
Enfin, Aéroports de Paris constitue également une considérable réserve foncière. En conserver la propriété publique est la garantie qu’il sera mieux préservé, et un atout indispensable pour la biodiversité et la qualité de l’eau.
Un enjeu stratégique et éthique
Les aéroports de Paris constituent le cœur des infrastructures aériennes françaises, la clef de voûte de toute politique de transport aérien, et un des éléments clé de toute politique de transport, tant au niveau national qu’européen.
C’est aussi un élément stratégique important pour les entreprises françaises, leur capacité à échanger avec l’extérieur, ainsi que pour la politique touristique de la France. Les aéroports de Paris sont une vitrine de la France, le point d’entrée et de départ de nombre de nos visiteurs. En ce sens, ADP a un impact direct sur l’économie du pays et un impact en termes d’image.
Les français ne peuvent pas se permettre de se priver d’un tel atout, d’un tel levier de politique publique. L’Etat doit en tenir compte et conserver sa capacité de pouvoir mettre l’intérêt général au-dessus des intérêts particuliers du gestionnaire privé.
Sur le plan éthique, rappelons qu’ADP, comme toutes les infrastructures de réseau, appartient indirectement à tous les citoyens. Ces derniers ont assuré -via l’impôt- son financement passé, et ont fait valoir leur pouvoir d’exproprier au service de l’intérêt général. Ce n’est pas pour le privatiser quelques décennies plus tard.
Un enjeu financier
Cet aspect est fréquemment développé, et un parallèle effectué avec la privatisation des autoroutes.
A juste titre. Les infrastructures aériennes sont une activité très rentable, et amenée à croître rapidement du fait de la hausse du trafic des prochaines années. Pourquoi s’en priver ?
En l’occurrence, l’Etat n’est pas en banqueroute, n’a pas besoin de fonds supplémentaires pour financer des projets urgents et impératifs. L’objectif est uniquement de placer ces fonds pour en affecter les revenus à l’aide à l’innovation. Comme cela est régulièrement suggéré, il serait tellement plus simple d’affecter les dividendes générés pas ADP à cette même innovation. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
Il n’y a aucune raison de faire cadeau d’un tel actif financier au secteur privé plutôt qu’aux finances publiques.
Ce triple enjeu parle à chacun d’entre nous. Dans le contexte actuel, en demande d’un environnement préservé, d’un retour de l’intervention publique dans l’économie et, surtout, de davantage de sens, s’obstiner à vouloir privatiser Aéroports de Paris est aller à contre-sens de l’histoire.