« Naphtachimie / Total : Zut, on a encore pollué la Méditerranée »

Mise à jour du 15 novembre 2018

« Objectif Transition » continue à suivre ce dossier à travers un échange de courrier avec les services préfectoraux. Les résultats d’analyses réclamées à Naphtachimie se faisant attendre, les services de l’inspection des installations classées nous informent qu’ils sont « globalement » satisfaits des mesures prises par Naphtachimie et que la publication des résultats d’analyses est différée dans le temps afin de permettre une mise en comparaison avec le suivi annuel du milieu. Dont acte.

Notre collectif a fait part à la préfecture de son interrogation sur le fait que c’est Naphtachimie qui a mandaté les entreprises en charge des prélèvements et analyses, et espère que la préfecture pourra garantir l’impartialité de celles-ci.

Les services préfectoraux nous promettent la transmission des résultats, que nous ne manquerons pas de publier ici.

Voir le courrier de la préfecture

 

Pour ceux qui ne connaissent pas la région : on parle ici d’un petit coin de nature sacrifiée comme il en existe tant en France.

Entendons nous bien, ok, « on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs » mais la Méditerranée ne doit plus faire les frais de cette omelette à l’huile de pyrolyse.

Il y a encore 70 ans, l’anse d’Auguette, sur la Côte Bleue entre Martigues et Sausset les Pins devait être une crique paisible, peuplée d’oursins et de dorades, ou on pêchait et se baignait en toute quiétude

Mais voilà, la ‘modernité’ et le développement industriel des Bouches du Rhône étant passés par là , notre anse s’est retrouvée au pied d’un complexe pétrochimique majeur, appartenant à parts égales aux groupes TOTAL et INEOS. L’anse a été reconvertie en « bassin de sécurité » de l’usine, fermée à la mer par un système de barrage flottant siphoïde , qui reçoit, tenez vous bien : 600 m3 à l’heure de résidus de la station d’épuration biologique de l’usine et 30.000 m3 à l’heure « d’égouts propres » (en principe) que sont les eaux (de mer) de refroidissement. …….et personne ne s’en émeut plus que ça, il faut ce qu’il faut ….

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crédit photos: captures écran Google Earth

Le 25 juillet dernier, la direction de Naphtachimie fait état d’un « incident » regrettable dans son circuit de refroidissement , ayant provoqué la fuite dans l’anse d’une certaine quantité d’huile de pyrolyse.

La Provence du 26 juillet 2018 cite la direction de l’usine  : «   Nous sommes en train d’étudier l’origine de la fuite, Ce genre d’événement est heureusement très rare et nous avons réagi rapidement afin d’éviter toute pollution de la mer. » Si Naphtachimie reconnaît « qu’il est difficile d’évaluer quand a débuté la fuite, tout comme d’estimer les mètres cubes d’hydrocarbures écoulés », elle assure avoir pris les mesures nécessaires. « Un barrage flottant a été rajouté aux permanents, stipule Agnès Belzunces. Dès l’alerte donnée, la fuite a été stoppée et des moyens de pompage ont été rapidement mobilisés pour récupérer les hydrocarbures surnageant dans l’anse. Naphtachimie a également fait appel aux marins pompiers du Grand port maritime de Marseille, pour protéger le milieu marin des éventuelles pollutions externes. » 
En fin de journée, mardi, les hydrocarbures surnageant dans l’anse d’Auguette avaient été en grande partie pompées. Les opérations de nettoyage devaient se prolonger hier. Hier matin, ne restait qu’un seul camion de pompage, l’opération arrivant à son terme.

Tout est bien qui finit bien donc … Mais heureusement que nous avons dans la région un organe de presse d’information et d’enquête indépendant au nom de MARSACTU et sa journaliste Violette Artaud qui s’est rendue sur place quelques semaines plus tard pour y découvrir un spectacle de plongeurs qui ramassaient des dizaines de sacs d’hydrocarbures visqueux dans et à l’extérieur de l’anse.

Selon les témoignages il s’agirait tout de même d’une cinquantaine de tonnes ….Elle nous apprend également que la préfecture des Bouches du Rhône ne s’était pas laissée leurrer par les déclarations optimistes de Naphtachimie et avait publié un arrêté plutôt salé le 7 août 2018 avec un certains nombre de constats et d’obligations pour l’usine : contrairement aux affirmations de Naphtachimie que la pollution n’avait probablement pas franchi l’anse d’Auguette pour atteindre la mer, la préfecture  » constate le rejet en mer d’huile de pyrolyse «  elle fait état de «  polluants persistants sur les fonds marins «  et «  déclare l’urgence de réaliser des évaluations et mesures de gestion »  de la pollution. Elle fait à Naphtachimie « l’injonction de la dépollution du fond marin et de l’anse d’Auguette » et exige un  » rapport d’incident sous une semaine « . Dans un délai de deux mois l’usine devra  » élaborer un plan de gestion des actions à engager en vue de supprimer les impacts sanitaires et environnementaux  »  » fournir un plan de prélèvement et d’analyses «  et dans un délai de trois mois un  » compte-rendu des opérations de nettoyage et d’élimination des déchets « .

Nous en sommes là à ce jour.

Cet « incident » nous emmène à un certain nombre de réflexions.
Si le risque zéro n’existe pas, l’attitude de Naphtachimie de minimiser les conséquences n’est plus acceptable. Si les services préfectoraux n’avaient pas été vigilants il est fort à parier que « Naphta » aurait discrètement passé l’éponge. De plus l’entreprise est coutumière du fait. Un extrait d’un courrier de la DREAL en 2016  : « Votre établissement a fait l’objet d’une visite d’inspection le 30 mars 2016. Cette visite, non exhaustive, faisait suite au dysfonctionnement de la station biologique qui a entraîné un départ de boues dans l’anse d’Auguette le 21 et 22 mars 2016. A cette occasion il est apparu que la déclaration de cet incident n’avait pas été faite immédiatement auprès de l’inspection des installations classées … »

« Objectif Transition » réclame que le « plan d’action » mentionné plus haut, ainsi que le compte-rendu des opérations de nettoyage exigé pour le 7 novembre 2018 soit rendu public sur le site de la Préfecture ou de la DREAL PACA.
L’article 7 de l’arrêté préfectoral du 7 août indique que l’affaire peut être soumise à un « contentieux de pleine juridiction » et portée devant le TA de Marseille, soit par les autorités, soit par des tiers. Nous souhaiterions qu’une association locale ou régionale s’en saisisse pour faire davantage pression sur la direction de Naphtachimie, voire obtenir des dommages et intérêts.

On pourrait également rêver un peu et proposer la tenue d’une table ronde sur le devenir de notre anse d’Auguette. Est-elle condamnée à rester ad vitam eternam ce coin de nature sacrifiée ? Sans trop aborder des aspects techniques, ne serait-t-il pas possible de créer un autre bassin de sécurité en amont et à l’intérieur de l’usine afin que les rejets en mer soient plus propres et plus sécurisés ? L’anse s’envase lentement par les rejets de toute nature, Naphtachimie parle de 15000 m3 entre la création du bassin et le premier dragage en 2014. A l’occasion de ce dragage de grande ampleur l’entreprise admettait dans son dossier de demande «  la présence dans les sédiments de l’anse et de ses abords immédiats de PCBs, métaux lourds, hydrocarbures … »

« Objectif Transition » demande à ce que le milieu marin à l’extérieur de l’anse, dans un rayon à définir, soit inspecté et analysé non pas par Naphtachimie même (comme exigé par la préfecture), mais par des organismes publics et indépendants et ceci aux frais de l’entreprise.

L’industrie et les emplois induits sont indispensables, mais la Méditerranée est un bien commun qu’on ne doit plus souiller impunément.

Maritima Médias :Une dépollution marine à Lavéra toujours en cours (vidéo)
Marsactu  L’usine Naphtachimie écope discrètement 50 tonnes d’hydrocarbures déversés en Méditerranée
Chasse sous-marine   https://www.chasse-sous-marine.com/forums/topic/65816-cote-bleu-ou-cote-noir/