Le projet Montagne d’Or est hors-sujet
En Guyane, la compagnie Nordgold effectue les démarches (ICPE, AOTMinière) auprès des autorités publiques pour exploiter un gisement aurifère de manière industrielle, avec un objectif de production en 2021.
Pour Objectif Transition, le projet de la Montagne d’Or, pharaonique, est non seulement une aberration écologique, c’est aussi un non sens économique et social. Objectif Transition dénonce ce projet qui risque de créer un précédent et se joint aux actions des autres associations pour demander au Président de la République et au gouvernement de renoncer à ce projet.
Un projet pharaonique
La mine à ciel ouvert est prévue sur une surface de 2,5km de long, 500m de large et 400m de profondeur. Toutes les roches extraites seront broyées puis traitées par cyanuration, pour en extraire l’or (d’une teneur d’environ 1,7g par tonne de roche). Les risques liés au stockage des boues en milieu tropical et au drainage minier acide vont impacter l’environnement bien au-delà de la mine elle-même. D’autant plus que cette dernière est située entre deux zones protégées du Parc Naturel de Guyane.
L’exploitation nécessitera des besoins en énergie colossaux : en pétrole, en électricité -20% de la consommation de la Guyane-, et en bois prélevé dans la forêt environnante. Située à 125 km de Saint-Laurent du Maroni, le projet nécessitera aussi une trouée dans la forêt primaire pour alimenter la mine en énergie et en matériel. L’atteinte à la biodiversité sera irréversible.
Les impacts sur l’environnement sont donc énormes et ils vont à l’encontre des engagements de la France en matière d’émissions de gaz à effet de serre et de préservation de la biodiversité.
Les enjeux économiques sont à relativiser
On pourrait penser que, comme par le passé, ces conséquences environnementales seraient le prix à payer pour une activité bénéfique pour l’économie et l’emploi. Regardons-y de plus près.
Quels bénéfices peut-on escompter de la Montagne d’Or, et pour qui ?
Le potentiel escompté est de l’ordre de 150t d’or, soit autant que toute la production officielle de la Guyane depuis 1985. Il est prévu d’extraire 8 tonnes par an, ce qui représente -au cours de 34500 € le kg- 276 M€ de « chiffre d’affaires » annuel.
La taxe de 2% rapportera ainsi 5,5 M€ aux autorités françaises. Auxquels il faudrait ajouter 16M€ d’impôt sur les sociétés et 30M€ de cotisations sociales. Soit au total environ 50 M€ de recettes publiques par an. Cela dit, nous sommes réservés sur le chiffre de 30M€ de cotisations sociales, qui parait peu compatible avec le nombre d’emplois envisagé, que ce soit en période de travaux (800) ou en rythme de croisière. Il est donc très probablement surestimé, et intègre les fameux « emplois induits », qu’il est toujours très difficile de calculer.
A ces recettes, il faudra déduire 21M€ de « CSPE » pour l’utilisation de l’électricité, payée par tous les consommateurs français. Et intégrer les sommes liées à la défiscalisation : celles qui auront été investies dans ce projet ne l’auront pas été dans un autre, ou constitueront un manque à gagner en recettes fiscales. Cette défiscalisation constitue une aide indirecte de l’Etat à ce projet minier, comme il y a quelques années pour les projets de mines de nickel en Nouvelle-Calédonie.
Il faudra déduire enfin les coûts probables de gestion des déchets à la fin de l’exploitation, ou de pollution accidentelle.
L’intérêt financier global pour les pouvoirs publics est globalement très peu avantageux. Pour avoir un ordre de grandeur, il faut le comparer aux sommes engagées – à juste titre- par l’Etat dans le cadre du plan d’urgence de mars dernier. Sauf à multiplier ce type de projet par un facteur 10, on reste très loin d’une filière structurante pour l’économie guyanaise, d’autant plus que cette filière ne sera pas durable.
Le seul enjeu économique d’un tel projet est pour l’exploitant, et en particulier l’exploitant senior.
L’exploitant junior – Columbus Gold – peut s’engager autant qu’il le veut auprès des autorités et de la population en vue d’obtenir le permis d’exploiter. Une fois sa participation revendue à l’exploitant senior – Nordgold – ce dernier ne se sentira pas autant tenu par ces promesses, et fera comme partout ailleurs : il serrera les coûts de production pour augmenter la rentabilité de son exploitation. Et en cas de pollution, rien ne garantit qu’il prenne en charge les dégâts sur l’environnement et la santé des habitants.
Si le projet n’est pas intéressant sur le plan financier, au moins le sera-t-il sur le plan de l’emploi ?
On parle de 800 emplois directs pendant la phase de construction, puis de 500 pendant la phase d’exploitation. En admettant même que la totalité des emplois soient recrutés localement, ce qui est très peu probable (Cf expérience de la Nouvelle-Calédonie) cela représentera 0,6% de la population active, et une baisse du nombre de chômeurs de l’ordre de 2%. Certes, c’est une bonne nouvelle, mais à quel prix ?
Il serait de loin préférable, et plus durable, que les pouvoirs publics accompagnent davantage les filières durables, comme la pêche, la filière bois, la transformation agroalimentaire, le tourisme. Même si tout cela n’est pas facile à mettre en place et prendra du temps.
Enfin, ce projet ne rentre dans aucun cadre stratégique d’indépendance nationale.
Les usages industriels de l’or représentent 8% de l’extraction d’or annuelle, soit trois fois moins que ce que produit la filière recyclage de l’or. Autrement dit, l’or extrait servira surtout à alimenter le secteur de la bijouterie et monétaire. Le jeu en vaut-il la chandelle ? Non.
Catastrophique sur le plan environnemental, inutile sur le plan économique et social, le projet de la Montagne d’Or doit rester à l’état de projet. La population locale ne s’y trompe pas d’ailleurs pas, qui rejette ce projet, ne souhaite pas sacrifier son environnement pour une activité éphémère et illusoire. Ce que souhaitent les guyanaises et les guyanais, c’est pouvoir se projeter dans un avenir durable, une économie respectueuse de son environnement, qui apporte du sens et non pas quelques paillettes momentanées.
Si jamais l’Etat acceptait ce projet, en dépit de l’avis de la population, des ONG et des engagements internationaux pris par la France lors de la COP21, il créerait un précédent qui ouvrirait la porte à d’autres projets. Or cela n’est ni souhaitable, ni même possible. On ne peut pas augmenter de 20% la production électrique de la Guyane pour chaque nouveau projet, ni trouer la forêt de routes d’accès.
Comme pour le projet de Kaw, il est impératif de refuser le projet de Montagne d’Or mais aussi l’extraction aurifère industrielle dans son principe.