Interview de François-Michel LAMBERT , député EELV (#circo1310)
François-Michel Lambert vient d’être élu député Europe Ecologie les Verts de la 10eme circonscription des Bouches du Rhône (Gardanne, Allauch)
Il a bien voulu accorder un entretien à « Objectif Transition »
Objectif Transition : Jeune élu EELV vous avez découvert en Juillet le travail parlementaire. Dans quel état d’esprit attaquez vous la rentrée qui s’annonce chargée ?
François-Michel Lambert : Je dirais comme tous les collègues écologistes jeunes élus que ce soit dans les échelons locaux, nationaux ou européens : impatients de se mettre au travail pour être les porteurs et metteur en œuvre de ce projet de société dont on nous a toujours dit qu’il était utopique.
Pour cette rentrée l’esprit est aussi absorbé par l’idée que c’est maintenant que nous devons enclencher les nouvelles orientations pour une transition écologique et en 1er lieu la transition énergétique.
Nous devons être fermes, combatifs, mais aussi pédagogues et à l’écoute. Tout ça en quelques semaines ! Il y a une fenêtre, il ne faut pas la laisser passer.
Objectif Transition : Vous êtes vice-président de la commission développement durable. C’est une thématique transversale. Comment fonctionne cette commission, quel est son rôle et quelles sont ses marges de manœuvre ?
François – Michel Lambert : L’Assemblée nationale a besoin d’échanges en amont, de façon plus collégiale que dans l’hémicycle. En ce sens les commissions, entre autres, sont des moyens de travailler plus en profondeur les thématiques. 8 commissions principales : Affaires culturelles et éducation, Affaires économiques, Affaires étrangères, Affaires sociales, Défense nationale et forces armées, Finances, Lois, et celle du développement durable et aménagement du territoire. Cette dernière a été créée en 2009. Elle est donc très récente et permet d’aborder plus précisément les enjeux d’environnement, d’infrastructures, d’équipements, de transport et de la chasse. Doté d’un bureau, elle se réunit régulièrement soit pour aborder en interne les thématiques de travail, soit pour auditionner des ministres, des représentants d’établissements publics ou administrations afin de mieux comprendre les enjeux, mais aussi de donner les perspectives et attentes des parlementaires. Elle est aussi chargée de suivre le budget dans le cadre de ses enjeux. Au-delà, elle peut s’autosaisir pour aborder, approfondir un sujet. C’est ainsi que je suis co-rapporter, avec une élue UMP, de la mission « Biomasse » qui doit en 6 mois aborder l’ensemble des enjeux dont on doit faire face dans le cadre d’une exploitation majeure attendue de la biomasse (la biomasse représenterait 50% de l’énergie future en France). On voit que les marges de manœuvres sont limitées, mais qu’elles existent notamment par le contrôle et l’investigation. Sans oublier la médiatisation, un outil intéressant !
OT : Qu’est-ce qu’on peut attendre de concret de la conférence environnementale de la mi-septembre ? Entre un « Grenelle » qui a duré des mois et une conférence de deux jours il y a forcément une différence ?
FML :La conférence environnementale est une démarche inverse du Grenelle de l’environnement. Celui-ci c’était « on se dit tout, on met tout sur la table et après vous faites confiance à l’exécutif pour l’application ». On a vu, çà a abouti à des reniements (« l’environnement çà commence à bien faire ») et des coups de Jarnac (les permis Gaz de Schiste ont été signés par les mêmes qui devaient garantir la mise en œuvre des décisions du Grenelle). Jusqu’à la disparition pendant 2 mois de tout ministre de tutelle !! Résultats peu de progrès, voire pire des régressions (pesticides, artificialisation des terres). La conférence environnementale, reprend l’idée de conférence sociale : les partenaires se réunissent une fois par an, pour faire le bilan et définir les axes de la politique. Ainsi la conduite de la politique promise est validée par ces rencontres. Ces rencontres concernent l’exécutif, les élus nationaux, européens et régionaux, les représentants des associations et ONG. Avec bien sûr les services de l’Etat. Cette année 5 tables rondes sont proposées : énergies, biodiversité, risques sanitaires et environnementaux, fiscalité écologique et gouvernance environnementale. J’insisterai sur la table ronde « Gouvernance environnementale », transversale aux autres, ce qu’elle réussira à produire sera probablement une avancée forte vers une démocratie dépoussiérée de responsabilisation des acteurs locaux et de transparence.
OT : Vous avez été vous-même cofondateur d’un collectif contre les gaz non conventionnels. (à Gardanne) La position du gouvernement actuel à ce sujet nous parait aussi ambiguë que celle du gouvernement Fillon – faisant une fixation uniquement sur la technique de la fracturation hydraulique. Qu’est ce que vous pouvez entreprendre pour éviter que ce sujet devienne un casus belli entre le PS et EELV ?
FML : Je ne peux pas dire que la position soit aussi ambigüe entre les 2 gouvernements en ce qui concerne les Gaz Non Conventionnels. La ministre de l’Ecologie et de l’Energie, Delphine Batho, poussée par les écologistes, et notamment Christophe Cavard élu dans le Gard et moi-même, a déclaré qu’il n’était pas concevable de se lancer dans l’exploitation de nouvelles énergies fossiles au moment même oùla France doit tenir ses engagements de réduction des Gaz à Effet de Serre (GES). Aujourd’hui il y a à l’Assemblée nationale 2 députés qui se sont fortement mobilisés dans les collectifs contre les Gaz de Schiste. Çà change tout ! Les déclarations de quelques uns ne sont plus le reflet d’une majorité. Nous attendons sereinement l’extinction de cette antinomie entre Transition énergétique et exploitation d’énergies fossiles nouvelles.
OT : Nous estimons que les lanceurs d’alerte ont besoin d’un statut spécifique et une véritable protection juridique face aux lobbies et entreprises. Des exemples récents ont encore montré le harcèlement professionnel que subissent les personnes qui découvrent et dénoncent des scandales ou disfonctionnements. Est-ce que les députés EELV seront en mesure de faire des propositions à ce sujet ?
FML : Comme je l’ai énoncé précédemment, la conférence environnementale a placé la gouvernance comme l’un des 5 thèmes à traiter. Les lanceurs d’alerte sont ces vigies dont notre société moderne, complexe, sous pression d’enjeux individualistes, a besoin. Nous, écologistes, nous placerons la définition des lanceurs d’alerte, et donc leur identification et préservation, comme un élément primordial de cette conférence. Probablement que nous ne pourrons pas aller aussi loin que nous le souhaitons. Mais grâce au rythme annuel, nous reviendrons aborder cet enjeu pour être plus exigeant encore.
OT : Vous revenez des journées d’été d’EELV. Quel est l’état d’esprit chez EELV ? Vous avez un nombre record d’élus, mais la coopérative semble piétiner.
FML : Je suis engagé en écologie politique depuis près de 20 ans. J’ai trouvé cet été à Poitiers aux journées d’été des écologistes, un état d’esprit heureux et surtout serein. Heureux d’avoir en un an conquis 2 groupes parlementaires, qui plus est paritaires, au Sénat et à l’Assemblée nationale, d’avoir renforcé notre présence au Parlement Européen (16 députés) et d’avoir 2 ministres. Serein car justement ces moyens nouveaux nous permettent, enfin, de pouvoir démontrer tout à la fois la justesse de nos propositions, notre capacité de travail (on dit que « 17 députés écologistes font autant que 100 députés » !) et notre aptitude à traiter toutes les dimensions de notre société : sociales, sociétales, économiques, environnementales. En faisant un parallèle avec les élu-e-s régionaux, ces nombreux vice-président-e-s, je sais que nous apporterons des réponses audacieuses nécessaires à notre pays, à l’Europe. Et plus que jamais la coopérative est cet espace nécessaire de rencontres et d’enrichissements propres au mode de fonctionnement des écologistes. Reste à articuler notre capacité à dépasser nos origines partidaires pour répondre à un système démocratique qui est structuré autour des partis justement. Comment trancher entre un coopérateur et un adhérent dans le cadre d’élections à venir ?
OT : Vous êtes conscient de l’urgence à amorcer la transition dans beaucoup de domaines. « Objectif Transition » a choisi d’être transpartisan et de travailler avec un large spectre d’acteurs aussi bien de la société civile que du monde politique. Qu’est ce que vous en pensez ?
FML : Cette question se retrouve dans ma remarque précédente. Oui, nous avons plus que jamais besoin de revenir aux fondamentaux de la politique, celle née avec l’humanité : l’échange et l’enrichissement mutuel sont tout à la fois les moyens de moderniser et avancer sereinement vers le futur, mais aussi et surtout de le faire ensemble !
OT : Nous vous remercions de nous avoir accordé un moment de votre temps précieux.