Outre Mer : vers l’autonomie énergétique ?
Malgré les progrès récents en termes de production d’energie renouvelable, les territoires d’Outre-Mer ont encore un long chemin à parcourir pour atteindre l’objectif, ambitieux mais atteignable, d’autonomie énergétique.
Des objectifs ambitieux liés à la spécificité des territoires d’Outre-Mer
Par définition, les territoires ultramarins sont des zones non interconnectées, qui ne bénéficient pas de la production d’énergie nucléaire. Hormis la production d’électricité d’origine hydraulique en Guyane, l’essentiel de la production repose historiquement sur des centrales thermiques au fioul.
En raison des émissions de co2 générées par la combustion d’énergie fossile et également du coût de production très important, des objectifs ambitieux de réduction puis d’autonomie énergétique ont été fixés pour les territoires ultramarins :
50% d’ENR dans la consommation finale dès 2020, visant l’autonomie énergétique à horizon 2030.
Ces objectifs ont été inscrits dans la loi de 2009 sur la mise en oeuvre du Grenelle de l’Environnement, puis réaffirmés dans la Loi sur la Transition Energétique et la Croissance Verte de 2015.
Malgré des efforts récents sur les moyens de production d’EnR et la maitrise de la demande en énergie (MDE), la situation reste loin de ces objectifs
Après un fort développement des énergies renouvelables dans les années 2000, notamment du solaire photovoltaïque, on a observé une stabilisation de l’essor des EnR dans les années 2010, avant voir apparaître de nouveaux projets ces dernières années :
– développement de la production de la centrale géothermique de Bouillante
– développement des centrales Bagasse/Biomasse
– projet de remplacement de la centrale de Dégrad-des-Cannes
Sur le plan de la maîtrise de la demande, les actions les plus simples à mettre en oeuvre ont déjà produit leurs effets, avec les campagnes massives d’EDF et des Ademe. Dorénavant, il va falloir « entrer dans le dur » et agir sur les comportements ou engager des investissements plus lourds et à faible turn-over, comme l’adaptation des règles de construction. Les effets à attendre en termes de MDE pour les prochaines années paraissent donc relativement modestes, même s’ils doivent être menés et participeront à l’atteinte de l’autonomie énergétique.
Malgré ces efforts, on reste loin des objectifs d’autonomie. En 2020, la Guadeloupe, la Martinique et la Réunion affichent des pourcentages de production EnR de 23-24%, loin des 50% visés par le Grenelle.
La Guyane est un territoire à part qui, grâce à la production du barrage de Petit-Saut, affiche un taux de 52%. Cela dit, comme la capacité hydraulique ne peut progresser et que la demande augmente régulièrement, on observe une diminution régulière du taux de production EnR (qui était de 70% en 2012).
Atteindre l’autonomie énergétique en 2030 n’est pas impossible, mais très ambitieux.
L’objectif d’autonomie énergétique était ambitieux en 2009. Il l’est encore plus aujourd’hui. Car il faudra faire en 8 ans ce qu’on a tardé à mettre en oeuvre depuis longtemps, et engager des changements profonds.
Nous ne pouvons pas nous contenter de remplacer des énergies fossiles par de la biomasse importée, qui de plus est une stratégie au bilan carbone incertain.
Cet objectif ambitieux l’est d’autant plus si on intègre l’usage des énergies fossiles dans les transports, qui dépassent celles utilisées pour produire de l’électricité, si l’on recherche l’autonomie énergétique complète et non pas la seule autonomie électrique.
En toute objectivité, on peut envisager, en faisant des efforts conséquents, atteindre une quasi-autonomie électrique d’ici 2030. L’enjeu est fédérateur, mobilisateur, mais il nécessite que nous y consacrions les financements suffisants et y engagions sans tarder les politiques nécessaires.
Commençons par redonner un coup d’accélérateur à l’installation de solaire thermique et photovoltaïque en toiture, que ce soit en autoconsommation ou raccordé au réseau. Le potentiel solaire est élevé en Outre-Mer, et insuffisamment exploité.
Développons davantage, là où c’est possible, la géothermie, l’éolien et le recours à la biomasse locale.
Renforçons encore la maîtrise de la demande d’énergie, l’éco-conception des bâtiments, la modération dans les comportements individuels et collectifs.
Enfin, accélerons les investissements sur les technologies d’avenir, comme l’énergie thermique des mers.
Cet objectif nécessite un engagement renforcé de l’Etat auprès des collectivités locales
Si ces questions énergétiques sont depuis longtemps une compétence déléguée aux régions ultramarines, via les habilitations législatives, les enjeux climatiques et économiques sont tels qu’ils ne peuvent se faire sans l’accompagnement de l’Etat.
L’Etat, au côté des régions, a tout à gagner à engager un plan massif en faveur de l’autonomie énergétique des Outre-Mers.
Le climat aussi.
Nul doute que ces enjeux d’autonomie énergétique entreront en compte dans le choix des électeurs, aussi bien aux élections régionales qu’à la prochaine présidentielle.