Destruction de l’arsenal chimique Syrien, opération de « com » à hauts risques de l’ONU
Crédit photo: J.B. Tabone/SIRPA Terre
Avec un peu de retard sur le calendrier initial, la destruction de l’arsenal syrien d’armes chimiques, décidé par le conseil de sécurité de l’ONU le 27.09.2013 va entrer dans les semaines à venir dans sa phase finale, même si la Syrie semble traîner des pieds pour remettre à l’OIAC (Organisation pour l’interdiction des armes chimiques) la totalité de ses stocks.
Risque écologique réel pour la Méditerranée ou immense gesticulation diplomatique de l’ONU – ou les deux à la fois ? On peut légitimement se poser la question.
Un rapide résumé de ce qui est en train de se dérouler :
Sur un total de 1500 tonnes de composants d’armements chimiques attendus sur le port Syrien de Lattaquié, environ 500 tonnes sont de dangerosité classée A (gaz moutarde, sarin VX) et destinées à être traitées en haute mer par le navire américain Cape Ray, spécialement aménagé pour cette tâche. Sous bonne escorte internationale, deux cargos, danois et norvégiens, achemineront les produits vers le port calabrais de Gioia Tauro ou ils seront transbordés dans le navire américain qui prendra la mer pour les traiter en zone maritime internationale. Les volumineux résidus du traitement de ces 500 tonnes (l’équivalent de 300 camions citernes) ainsi que le reste du « stock » syrien seront traités et éliminés dans des installations spécialisées un peu partout en Europe et dans le monde.
Un juteux marché de centaines de millions d’Euros qui voit sur les rangs 14 entreprises européennes, américaines et chinoises
Première association à protester contre le traitement en haute mer, « Robin des Bois » pointe plusieurs problèmes
Le premier d’ordre écologique et sécuritaire : Pourquoi traiter en haute mer alors que cela représente un risque indéniable pour la Méditerranée ? Une usine flottante n’est pas à l’abri d’une tempête – par contre elle est à l’abri des regards. Les américains assurent que les deux « systèmes d’hydrolyse déployables » ne lâcheront aucun résidu en mer, mais qui sera là pour le contrôler ?
Le second est d’ordre juridique : Quel statut pour cette usine flottante dans les eaux internationales, le traitement et le transport de déchets étant normalement prohibé selon la convention de Bâle ?
D’autres oppositions se font jour. Dans le sud de l’Italie et dans les communes de la Calabre autour du port chargé du transbordement des déchets (un port civil !) on pointe le risque, notamment sismique de cette région
En Grèce et à Chypre on craint pour le tourisme et la pêche ….
En dehors de ces préoccupations légitimes pour notre sécurité et l’environnement méditerranéen on est en droit de se demander si toute cette opération ne tient pas de la communication politicienne de l’ONU.
Depuis des décennies on a déjà détruit sous contrôle de l’OIAC quelques 70.000 tonnes d’armes chimiques de par le monde. L’opération « arsenal Syrien » prend des allures de gesticulation internationale : on voit les Russes communiquer sur leur travail de soutien, les chinois sur leur flotte d’accompagnement en Méditerranée, les canadiens sur le don de véhicules, sans compter les pays qui proposent leurs incinérateurs de déchets ….
L’ONU n’a pas su régler le conflit syrien. A défaut, et pour cacher son impuissance elle déploie ses forces médiatiques et technologiques pour le faire oublier.
Achim Gertz
Tribune publiée initialement sur le site Reporterre