Contribution au débat public sur la programmation pluriannuelle de l’énergie
Objectif Transition a participé au débat public sur la PPE (programmation pluriannuelle de l’énergie) sous la forme d’un cahier d’acteur.
Vous pouvez le consulter sur le site du CNDP (cliquez ici), ainsi que les contributions des autres participants au débat.
Notre contribution a mis l’accent sur la maîtrise de la demande énergétique :
Objectif Transition : priorité à l’efficacité energétique
La consultation sur la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) 2018 réaffirme les principaux objectifs de la France en matière énergétique, dont l’objectif de neutralité Carbone à l’horizon 2050, et ouvre un espace d’expression pour la société civile. Pour autant, elle mériterait de préciser les objectifs, d’intégrer des prévisions de trajectoire, et d’être plus ambitieuse. Nous regrettons surtout qu’elle officialise l’abandon de l’objectif de baisse du nucléaire à 50% en 2025.
Nicolas Hulot et le gouvernement manquent ici un rendez-vous fort, l’opportunité de mettre en place une politique énergétique volontariste et acceptée par tous.
LES PRINCIPAUX OBJECTIFS ENERGETIQUES SONT REAFFIRMES…
Le document soumis pour le débat public aborde tous les aspects de la politique énergétique de la France : efficacité énergétique, baisse des consommations fossiles, développement des énergies renouvelables, sécurité d’approvisionnement, impacts sur l’économie et le pouvoir d’achat, choix du mix énergétique…
Les engagements déjà pris par la France au niveau international (accord de Paris), européen et législatif (loi sur la transition énergétique et la croissance verte) sont rappelés.
Ces objectifs portent sur :
– les émissions totales de GES : -20% en 2020, -40% en 2030, -75% en 2050, avec l’objectif de neutralité carbone
– la consommation totale d’énergie : -20% en 2030
– la consommation d’énergie renouvelable : 23% en 2020, 32% en 2030
– la consommation d’énergie fossile primaire : -30% en 2030
– l’efficacité énergétique : gain de 27% en 2030
– la part de production nucléaire : 50% à horizon 2025
De ces objectifs, découlent la Stratégie National Bas Carbone, et un « budget » carbone annuel à atteindre pour réaliser les engagements de la France.
Ce cadre général est ambitieux et nécessaire, même s’il ne suffira probablement pas à atteindre l’objectif de limitation du réchauffement climatique à 1,5° à l’horizon 2100.
… MAIS AUCUN SCENARIO CONCRET N’EST PROPOSE
Le document fournit les données de production et de consommation jusqu’en 2016. Mais aucun scénario prospectif n’est proposé pour dire quels sont les objectifs qui seront réelleement retenus, et comment les atteindre. Ces scénarios sont en cours de réalisation et seront communiqués début juillet, c’est-à-dire après la période de consultation.
Nous estimons que le débat est tronqué.
Il ne propose pas à la société civile de débattre d’un projet de PPE mais lui demande de définir sa PPE idéale. On sollicite la société civile pour réaliser le travail préalable, au lieu de la consulter sur les choix proposés par le gouvernement. Le plus ennuyeux c’est que ce pseudo débat public sera utilisé pour cautionner des choix sur lesquels nous n’aurons pas pu nous prononcer en connaissance de cause, sur lesquels nous ne pourrons plus intervenir.
Cette politique du fait accompli est gênante sur le plan démocratique. Elle est aussi inquiétante quant au fond du rapport. Ce dernier consiste surtout à un catalogue de mesures existantes et leur état de réalisation; il n’établit pas de priorités dans les actions, manque d’ambition dans plusieurs domaines et fait l’impasse sur le nucléaire en ne proposant que deux types de scénarios, qui laissent l’un comme l’autre à EDF le libre choix de l’ampleur et du rythme de l’évolution de la production nucléaire.
Aussi, nous avons choisi de définir nos priorités et de mettre l’accent sur les actions qui nous paraissent primordiales.
I / METTRE L’ACCENT SUR L’EFFICACITE ENERGETIQUE
L’énergie la moins polluante est celle qui n’est pas produite.
Les objectifs à atteindre sont ambitieux : -20% de consommation finale par rapport à 2012. Mais ils sont réalistes, l’ADEME prévoyant même une baisse de 30% à horizon 2035. Or, en 2017, on observe que nous en sommes toujours presqu’au même point qu’en 2012.
L’effort fourni est clairement insuffisant.
Évolution des consommations d’énergie de 2000 à 2016
et objectifs à 2030 (Mtep) Source : SDES
Deux types de mesures ont été prises : une communication auprès des consommateurs et la trajectoire de la composante carbone. Ces deux mesures sont indispensables mais ne sont pas suffisantes.
Nous appelons le gouvernement à mettre l’accent sur le niveau de consommation total, et notamment des ressources fossiles, et à en faire le principal objectif de la PPE.
Dans le détail par secteur de consommation d’énergie :
– la mobilité
La mobilité représente les ¾ de la consommation de produits fossiles. C’est là qu’il faut agir en priorité.
Transport de marchandises
-> accentuer la baisse du trafic routier de marchandises observée depuis 2007. Si le transport national est orienté à la baisse, on observe une progression du trafic international, et notamment du transit. La mise en œuvre de l’écotaxe aurait aidé à aller dans ce sens.
-> diminuer les émissions de CO2 au tonne-km parcouru, en recourant à des véhicules moins polluants et en optimisant la logistique. Malheureusement, l’essor de la vente en ligne avec livraison rapide tend à accroître les besoins de transport, et permet moins d’optimiser les livraisons. Il serait intéressant de sensibiliser les clients aux conséquences environnementales des achats en ligne et d’inciter le e-commerce à favoriser les modes de livraison les moins polluants.
-> à l’inverse, le développement des circuits courts, la lutte contre le gaspillage,… sont des tendances de fond, de nature à diminuer les besoins en transport. Il faut continuer de les inciter.
-> développer le fret ferroviaire et le ferroutage.
Transport de personnes
-> stabiliser, puis diminuer le parc automobile constitué aujourd’hui de 32 millions de véhicules particuliers et de 6 millions de véhicules utilitaires. Si l’amélioration des motorisations et le passage à l’électrique sont des leviers importants, il est aussi primordial de réduire les besoins d’équipement en véhicule en multipliant les alternatives à la voiture individuelle : autopartage, transports en commun, vélo, marche à pied,… C’est un avantage écologique majeur, et un gain de pouvoir d’achat conséquent pour les usagers.
-> la hausse du prix des carburants devrait inciter les usagers à optimiser leurs déplacements, et se traduire par une baisse conjoncturelle de la consommation d’énergies fossiles. Il faut en profiter pour développer les usages alternatifs. L’achat d’un véhicule étant une décision qu’on prend sur le long terme. Pour décider de ne pas renouveler un véhicule, il faut que la hausse du prix du carburant soit anticipée comme devant durer longtemps et que les alternatives en termes de mobilité existent.
-> Etre vigilant sur les mesures de renouvellement du parc. Parfois, la « prime à la casse » n’est pas la plus avantageuse en terme de bilan GES.
– le logement
Le résidentiel et tertiaire représente 45% de la consommation énergétique totale.
– favoriser les alternatives au chauffage au fioul, notamment le chauffage au bois.
– favoriser l’isolation des logements.
– inciter les usagers à réaliser des économies d’énergie, y compris sur le plan électrique. En effet, le taux élevé de chauffage électrique se traduit par des besoins conséquents en période de pointe hivernale, qui seront satisfaits par des centrales à gaz.
II / ACCELERER LA PRODUCTION D’ENERGIES RENOUVELABLES
Le développement des EnR est déjà en retard sur les objectifs fixés pour 2018, hormis pour les biocarburants.
Aussi, nous demandons à ce que les efforts en faveur du développement des EnR soient accentués :
– augmenter le fonds chaleur.
– hydroélectricité
Le potentiel de cette énergie est quasiment atteint. Toutefois, nous sommes inquiets des effets de la privatisation des barrages hydroélectriques. Seule source d’énergie renouvelable Seule source d’énergie renouvelable qui soit pilotable, elle revêt un rôle crucial dans l’équilibre offre-demande. C’est une ressource stratégique, qui doit être gérée par une autorité publique, et dans des logiques de bassin versant.
– énergie éolienne
L’objectif est de doubler la production d’ici 2023, par rapport à 2016. La concertation, l’implication des populations impactées doivent être mises en avant pour que ces projets soient mieux acceptés et que les délais de réalisation soient réduits.
– photovoltaïque
Là aussi nous sommes en-deça des objectifs définis dans les PPE précédentes. Pourtant, c’est une énergie peu coûteuse, avec une tendance des coûts à la baisse, et qui est moins « intrusive » que l’éolien.
Si les champs solaires sont désormais rentables et ne nécessitent peu ou pas de soutien public, nous estimons que les pouvoirs publics doivent soutenir davantage l’implantation d’installations de petite taille sur le bâti existant. En effet, le coût d’intégration dans le bâti est important et donc la baisse des prix des panneaux solaires n’a pas le même impact sur la rentabilité. Les petites installations PV sont indispensables pour décentraliser la production, la rapprocher des lieux de consommation, inciter à l’autoconsommation.
– autoconsommation
Elle est à inciter fortement. Pour ce faire, à la question de savoir si elle doit être comptabilisée dans la production et consommation totale et d’EnR, nous répondons favorablement.
III/ MAINTENIR LE DEMANTELEMENT DU PARC NUCLEAIRE SANS REPORT
L’objectif de 50% de production électrique à base de nucléaire en 2025 ne doit pas être abandonné. Même s’il est ambitieux, ne plus en faire une priorité revient à baisser les bras et ralentir l’atteinte de cet objectif.
En accélérant la diminution de la demande électrique, en développant les EnR et l’autoconsommation, les besoins à produire en base par le nucléaire devraient se réduire, et permettre ainsi la fermeture d’ici 2025 de capacités de production nucléaires, bien au-delà de la seule centrale de Fessenheim.
Les coûts de production du MWh renouvelable sont déjà compétitifs (moindres que le MWh EPR) et en diminution régulière. Favoriser les énergies renouvelables est donc le bon choix en termes environnementaux mais aussi financiers.
Concernant le choix des scénarios de mix énergétique, cinq options nous sont proposées, dont trois, dès lors qu’ils conduisent à la création de centrales à gaz supplémentaires sont écartées d’emblée. Et parmi ces 3 scénarios sont bien sûr inclus les seuls scénarios qui envisageaient soit le respect de 50% de production nucléaire en 2025 (Ohm), soit l’arrêt des centrales nucléaires au terme de leur 4ème examen décennal (Watt).
Au motif de ne pas générer de gaz à effet de serre supplémentaire, le projet de PPE écarte donc d’emblée toute mesure forte sur la production nucléaire, et laisse toute liberté à EDF de proposer le scénario de production nucléaire qui lui convient.
Conformément aux remarques du I/, nous sommes convaincus que les français sont prêts à engager des efforts sur la maîtrise de la demande électrique, et qu’il est préférable de soutenir ces démarches que d’investir dans la rénovation de centrales nucléaires vieillissantes.
Aussi, nous demandons à ce qu’un autre scénario, basé sur une demande électrique plus faible et sur une production d’EnR soutenue, soit analysé et sa robustesse soit testée.
Un tel scénario, ambitieux mais réaliste, serait le seul à même de mobiliser l’ensemble de nos concitoyens sur un objectif commun, qui ait du sens et des impacts réels sur le climat de notre planète.
Le contexte politique, économique et social actuel est porteur pour engager de profonds changements de politique énergétique.
Une politique énergétique ambitieuse n’est pas un coût, n’est pas un frein, c’est une réelle opportunité de faire avancer la France et le climat. Saisissons-là !